Coup de gueule de sportive
Aujourd’hui, j’aimerais pousser un grand coup de gueule. Ce n’est pas souvent, je crois même que c’est la première fois sur ce blog que cela arrive…
Mes derniers mois m’ont donné envie de partager avec vous mon expérience. Ici et là, vous avez pu voir quelques thématiques sur le sport grossesse. Mais aujourd’hui, je me rends compte qu’une problématique qui touche un grand nombre de femmes, qu’elles aient été enceintes ou non, n’apparaît dans le fil des discussions qu’après une grossesse : le périnée.
Qu’est-ce que le périnée ? C’est un muscle en forme de banane (ci-dessous en bleu) qui retient la vessie, le vagin et le rectum. En gros, c’est un filet de sécurité de ces organes. Mieux qu’un filet, on l’appelle aussi le plancher car c’est lui qui soutient ces organes, et permet la continence (capacité de se retenir) de ces organes grâce à leur force, à leur tonicité.
Toutes les femmes sont dotées de ce fameux périnée (et même les hommes en réalité !). Nous devrions donc toutes être sensibilisées à ses spécificités. Mais non. Avant ma grossesse, personne ne m’en avait jamais parlé. Personne ne m’avait jamais expliqué exactement comment fonctionne ce muscle, à quoi il sert ou tout simplement comment en prendre conscience. Même dans le milieu du sport, pourtant, j’ai été suivie médicalement pendant des années en étant en Equipe de France. Pourtant, les heures d’entrainement à outrance sollicitent tous les muscles du corps, y compris le périnée. Mais encore faut-il le savoir, et à 20 ans, je vous assure qu’on a d’autres considérations que de choyer son périnée, à tord. On veut surtout être la plus performante, la plus rapide, la plus technique, soulever de la fonte, être endurante et enquiller les kilomètres à l’entraînement. Le corps peut supporter tout ça, non ?…
On parle souvent des corps abîmés et « cassés » des anciens sportifs de haut niveau : problème de dos, de genoux, d’épaules… et les problèmes d’incontinence, vous en avez déjà entendu parler ? JA-MAIS ! Et pour cause, 90% des sportives souffrant de troubles urinaires n’en parlent pas*. Elles pensent certainement que ça fait partie du « package » de la vie de sportive ? Que c’est la honte d’en parler ? Qu’elles sont les seules à en souffrir ? Qu’en soit, ça n’affecte pas les performances ?
Une étude de Nygaard, en 1994 (il y a plus de 20 ans déjà !), révélait que 28% des sportives étaient touchées par une incontinence urinaire pendant l’effort. Ok, mais quel est le rapport entre tout ça ?
Le périnée est un muscle. Vous avez déjà eu mal aux cuisses pendant un long footing n’est-ce pas ? Certainement vos quadriceps qui fatiguent… eh bien il a été démontré que pendant de longs et/ou intensifs entraînements, les épisodes d’incontinence sont plus fréquents. Votre périnée est fatigué, se relâche et vous n’arrivez plus à contrôler votre envie d’uriner par exemple. Alors, tout comme vos quadriceps, votre périnée a besoin d’entraînement ! Que vous soyez une sportive de haut niveau ou juste une sportive occasionnelle, prenez conscience de votre périnée. Que vous ayez 15 ans ou 50 ans, c’est pareil !
Saviez-vous qu’une femme multiplie par 4 son poids sur son plancher pelvien quand elle court, par 9 quand elle lance un javelot et par 16 quand elle fait du saut en longueur ? ** Il a intérêt a être sacrément costaud le périnée, sachant que c’est lui qui retient les organes de cette zone !
Alors essayez de limiter la casse en contractant votre périnée avant chaque pression. Vous faites des squats ? Contractez le périnée, puis faites votre série de squats. Vous faites du trail ? Essayez de contracter votre périnée, surtout en descente, tout comme vous pourriez contracter vos abdos pour préserver les chocs du dos. (pour quelques exercices, rendez-vous en fin d’article !)
En résumé, ce qui me révolte c’est que jamais durant ma carrière de sportive de haut niveau, on ne m’a parlé du périnée. Jamais on nous a parlé des problèmes d’incontinence. JAMAIS ! Pourtant, nous avons un suivi psychologique, dentaire, cardiaque… on nous sensibilise à la nutrition. Nous sommes pesées quotidiennement, nous avons du suivi avec des prise de « lactate » au repos et pendant l’entrainement pour vérifier que le corps n’est pas trop fatigué et qu’il est capable de continuer.
Effectivement, je n’ai pas le souvenir d’avoir eu un épisode d’incontinence urinaire pendant ma carrière. Mais aucun médecin ni kiné ne s’est jamais soucié de savoir si j’en avais eu. Et comme mentionné plus haut dans l’article, sachant que 90% des sportives n’osent pas en parler, ce n’est pas d’elles-mêmes que cela arrivera.
S’il vous plait, staff de coachs/médecins/kinés, posez la question à vos athlètes ! Osez dire à vos sportives que pendant le gainage de « la planche », le muscle transverse doit travailler et le périnée doit être contracté ! J’ai eu la bonne surprise de voir qu’Alice Mayne, en parle dans son post du jour. Pourtant elle n’a jamais eu d’enfant et est toujours en pleine carrière internationale. C’est tellement rare !
Coachs, pendant des tests muscu, que ce soit aux squats ou aux développés couchés peu importe, il faut contracter le périnée avant de pousser la charge ! Surtout que ces mouvements se font en « apnée » en retenant son souffle, donc la pression vers le bas et le périnée est encore plus forte… je pense qu’il est de votre devoir d’enseigner cela à vos athlètes, aussi jeunes et loin d’une potentielle grossesse soient-elles !
Après cette première grossesse, je me suis rendue compte que le sujet est moins tabou. On lit beaucoup de choses dans la presse spécialisée grossesse et la rééducation périnéale est indispensable. J’arrive à la fin de ma rééducation à presque 3 mois post-accouchement. Je n’ai toujours pas le feu vert de ma sage-femme pour recommencer à courir. Pourtant, je fais des efforts pour remuscler ce satané périnée. Mais je préfère être patiente aujourd’hui plutôt que de traîner des problèmes toute ma vie. J’ai eu de la chance pendant ma carrière sportive de ne pas avoir eu de soucis, je ne compte pas me tirer une balle dans le pied après ma grossesse.
C’est pour cela que j’espère, à ma petite échelle, sensibiliser quelques sportives à prendre conscience de leur périnée durant leur activité physique. N’oubliez pas que d’après les études, environ 25% des sportives (n’ayant jamais eu d’enfants), ont déjà été touchées par des épisodes d’incontinence urinaire… Imaginez combien de femmes cela représente au départ d’une course !
Alors n’ayez pas peur, le sport n’est pas une « cause » de l’incontinence urinaire, ni même un facteur aggravant. C’est qui est grave, c’est le fait de ne jamais prendre conscience de ce muscle ! Vous vous demandez si vous devriez faire quelques exercices spécifiques ? La réponse est OUI ! Surtout si vous avez par exemple un petit souvenir d’un fou rire en courant et où une petite goutte s’est échappée, ou si vous avez déjà senti que vous n’arriviez plus à vous retenir en smashant au volley ou au basket… et si tousser vous demande une grande concentration pour rester au sec !
Alors cet article n’intéressera peut-être que quelques unes d’entre vous, les autres le trouveront stupide (c’est quoi cet article débile dans lequel on parle pipi ?!?), mais je parle ici sans tabou de ce fléau qui touche bien plus de femmes que l’on ne croit, et qui passe inaperçu dans la vie sportive féminine, même de haut niveau. A regret.
Voici 7 exercices qui rappelleront de lointains souvenirs aux femmes ayant eu une rééducation périnéale 😉
- Contraction du périnée, en verrouillant/serrant l’entrée du vagin et de l’anus (comme se retenir d’une envie 🙂 ), puis relâchez.
- Même contraction qu’en n°1 mais en tenant 5-6 secondes avant de relâcher
- Même exercice qu’en n°2 en maintenant 5-6 secondes, puis imaginez faire remonter des billes vers le haut
- Imaginez que des portes d’ascenseur se ferment et s’ouvrent
- Imaginez un pont levis
- Imaginez un rideau qui se baisse
- Verrouillez à l’entrée, remontez les billes vers le haut, jusqu’à vos côtes en rentrant le ventre (sans solliciter vos abdos)
Il y a encore d’autres exercices à faire, comme une visualisation de vagues par exemple, mais le mieux c’est d’en parler à votre médecin, votre gynécologue ou même votre sage-femme si vous en avez une ! Si vous cherchez une sage-femme à Strasbourg, j’en ai une bonne à vous recommander !
*Etude menée aux USA auprès de jeunes athlètes de l’Illinois (Association Française d’Urologie)
**Sport de haut niveau et féminité, Contraintes et tensions périnéales au cours de l’exercice sportif intense, effets et retentissement sur la statique pelvienne et la continence urinaire (Professeur Bruno DEVAL, Service gynécologique obstétrique, CHU Nancy)
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